[Tutoriel] Comment souffrir en tant que développeur

[Tutoriel] Comment souffrir en tant que développeur

Le sujet d’aujourd’hui est en triple format : YouTube, podcast et texte.

Une attention toute particulière a été donnée à la vidéo YouTube.

Si vous aimez ce que je fais avec les articles, vous allez adorer cette vidéo.



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Le 26 avril 2021, plus de 350 développeurs français ont répondu à un sondage anonyme. Ce sondage portait sur leurs difficultés, leurs doutes et leurs souffrances les plus profondes. Basé seulement sur leurs réponses, voici un tutoriel sur comment souffrir en tant que développeur. Les étapes sont classées de la moins commune à la plus commune.



Étape 1 : N’avoir aucun intérêt pour le domaine (12% des sondés)

Le meilleur moyen de finir dans le chaos est de commencer par de mauvais choix.

Il est indispensable de n’avoir aucun intérêt pour ce métier de façon générale. Et ici, on ne parle pas de passion. On ne parle pas cette fable qui dit qu’il faut commencer par la passion pour aimer son métier.

Non, c’est plus pragmatique que ça.

Pour détester ce métier, il est central de n’avoir aucune satisfaction à le faire.

Il faut profondément haïr la résolution de problème. N’avoir aucune satisfaction à trouver la solution. Utiliser du code pour le faire doit paraitre vide de sens. Aucune fierté ne doit traverser ton esprit. Tu ne dois pas voir ce métier comme une suite de mystères à résoudre ou un outil de création infini.

C’est un travail. Alimentaire. Rien de plus.





Fais en sorte d’avoir le sentiment de perdre ton temps à chaque instant.

C’est important pour la suite.

Car quand les choses vont devenir plus complexes -et ça va arriver- le fait de n’avoir aucun intérêt pour ce domaine va créer un cocktail dangereux.

Un cocktail à base de peur.



Étape 2 : Utiliser la peur comme motivation (33% des sondés)

Plus que dans les autres métiers, on exige des développeurs une très forte productivité. Chaque tâche est scrutée. Traquée en temps réel. Chaque seconde passée sur une tâche est loggée. Analysée puis optimisée.

Et quelqu’un va t’en tenir rigueur de façon journalière.

Pour souffrir un maximum de cette situation, la procrastination doit être ton mode d’action par défaut.

Quand l’idée même de productivité te vient à l’esprit, oublie ça immédiatement. Tu veux déléguer le maximum de choses à ton toi du futur. Tu as toute la journée pour faire cette tâche. Pas besoin de commencer tout de suite.

On verra plus tard.





Fais en sorte qu’on t’assigne des tâches qui ne font aucun sens. C’est encore mieux si tout ton projet ne fait aucun sens. Tu veux voir ta concentration s’envoler à chaque instant.

Tu veux te disperser en permanence.

Cette sensation de n’avoir rien accompli à la fin de la journée est clef dans ta quête de souffrance.

Car quand les choses vont devenir absolument urgentes -et ça va arriver- le fait d’avoir procrastiné va créer une angoisse profonde. Un stress bien particulier. Un stress qui va mêler énormément d’émotions.

Des émotions qui vont te submerger.



Étape 3 : Subir la pression (57% des sondés)

Assure-toi de choisir et de rester dans une entreprise qui te considère comme un vulgaire exécutant.

Tu ne dois être qu’une petite main. Tu ne veux avoir aucune influence sur les prises de décisions. En particulier les plus techniques. Celle qui te concernent le plus de façon quotidienne.

Tu veux que des personnes qui ne comprennent rien à ton métier te disent exactement ce que tu doit faire.





Si elles peuvent te forcer des deadlines impossibles, c’est parfait. Sinon, applique toi à faire des estimations impossibles. Tu te mettras tout seul dans une situation de non-retour.

L’idée générale c’est que tu dois subir une pression monstre en permanence.

Le clean code, les tests et les process ne doivent être qu’une vaste blague là où tu travailles. Tout doit être fait dans l’urgence. Tu veux créer le fameux cercle vicieux qui fait fuir tant de développeurs.

L’urgence pousse à produire du code sale. Ce code sale ralentit la prochaine urgence. Créant alors encore plus d’urgence et encore plus de code sale. Le cycle se répétant alors de plus en plus violement, jusqu’à implosion.

Assure-toi que tu es dans une entreprise qui te punira sévèrement pour tout retard.

À leurs yeux, la qualité ne doit être qu’un détail. Seule la vitesse compte.

Tu veux être convaincu que non seulement ton travail, mais aussi ta réputation sont en jeu à chaque minute qui passe.

Tu veux un lien fort entre ton métier et une pression malsaine. Car quand ce lien deviendra extrême -et ça va arriver-, ton métier deviendra alors une activé malsaine. Et c’est à ce moment-là que les choses vont devenir plus intimes.



Étape 4 : En faire une affaire personnelle (62% des sondés)

Assure-toi de ne faire aucune distinction entre toi et ton travail.

Les développeurs qui interagissent avec toi ne doivent pas être considérés comme amis. Considère les seulement comme la concurrence. Et ils doivent faire exactement la même chose.

Ton égo, et ceux des autres, doivent être au centre de toute discussion technique.

Le mieux est de trouver une entreprise qui encourage cette concurrence. Un environnement toxique où tous les coups sont permis. Un environment où la moindre erreur est rapportée. Puis publiquement amplifiée dans le but de dénigrer. Un environnement où les gens sont rabaissés. Humiliés selon leur niveau technique.

Tu dois faire de chaque bug -de chaque petite remarque- une affaire personnelle.





Tu dois être convaincu que tu es ton code. Tu dois être convaincu que demander de l’aide est un signe de faiblesse.

C’est toi contre les autres.

Chaque code review doit devenir en enfer où les égos surdimensionnés se déchaînent sans retenu. Tu dois quotidiennement subir la toxicité de ton équipe. Tu dois répondre avec autant de virulence et de toxicité. Prends pour habitude de le faire avec tout et tout le monde. Perpétuant ainsi le cycle avec les plus jeunes.

Fais leur payer ce que tu as subi.

C’est très important de faire de ton métier une affaire personnelle. Car quand tu vas te comparer aux autres -et ca va arriver- le fait ne pas être le meilleur va te faire très très mal.



Étape 5 : Se convaincre de l’imposture (78% des sondés)

Assure-toi de mesurer ta valeur seulement à travers les yeux des autres.

Dans la majorité des travails, la quantité de choses à savoir est d’une grandeur connue. Cette quantité n’évolue que très peu `dans le temps. Ton métier c’est le contraire.

Et dans ces conditions, il est important de régulièrement se sentir submergé par toutes ces informations.

D’abord, essaye d’apprendre absolument tout dans ce métier.

Pars dans tous les sens. Passe d’article en article. De technologie en technologie. De framework en framework. Essaye de tout savoir et de tout maitriser. Tu veux profondément ressentir à quel point tu ne sais rien.





Puis prend pour divinité les développeurs les plus talentueux et les plus connus dans ton monde. Compare toi constamment à leurs compétences affichées. Compare toi constamment à leur succès affiché.

Fais la même chose avec tous les développeurs que tu croises.

Développe chaque jour un peu plus d’amertume face à ces comparaisons.

Enfin, face à toutes ces preuves de ton infériorité, accepte le fait que tu es limité.

Limité dans ton apprentissage. Limité dans ce que tu peux faire. Et puisque que tu es limité, tu ne devrais même pas essayer.

Souscris entièrement à une idée simple. Tu n’es peut être pas fait ce métier. Les autres c’est pour de faux, toi tu es vraiment un imposteur.

Peu importe tes succès et ton expérience, quand tu vas échouer quelque part -et ça va arriver- avoir cette idée d’imposteur va vraiment avoir un impact. Ça va appuyer un peu la où ça fait mal. Raviver la douleur.



Épilogue

Merci au 350 développeurs qui ont participé à cette enquête et qui ont partagé leur expérience. Si la souffrance n’est pas ce que tu recherches, alors c’est ton jour de chance. Car pour éviter cet enfer il te suffit d’éviter ces étapes et de cultiver ta résilience.

Qui me parle ?

jesuisundev
Je suis un dev. En ce moment, je suis développeur backend senior / DevOps à Montréal pour un géant du jeux vidéo. Le dev est l'une de mes passions et j'écris comme je parle. Je continue à te parler quotidiennement sur mon Twitter. Tu peux m'insulter à cet e-mail ou le faire directement dans les commentaires juste en dessous. Y'a même une newsletter !

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2 commentaires sur “[Tutoriel] Comment souffrir en tant que développeur”

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